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1. Le code de lecture

Le code

facilalire utilise un codage très simple pour faire apparaître :

les voyelles et semi-voyelles, « coeurs » de syllabes

● les consonnes

les lettres muettes

la ponctuation

les liaisons à l’oral

Voyelles et semi-voyelles

Deux couleurs sont utilisées pour coder les graphèmes voyelles (ou semi-voyelles) :

• Le bleu code par défaut la présence d’une voyelle (ou semi-voyelle).

• Le vert note la présence d’une autre voyelle (ou semi-voyelle) juxtaposée à la précédente.


La juxtaposition de graphèmes de couleurs bleu et vert signale immédiatement au lecteur qu’il est en présence de l’une des deux situations suivantes :

a) voyelle ou / semi voyelle + voyelle/ ccccune syllabe orale

(c’est la situation générale, la plus fréquente)

lion vv pied vv piano vv suite vv travail vv soleil vv loin vv cobaye

b) voyelle + voyelle ccccccccccccccccccdeux syllabes orales

boa vv réunir vv maïs vv néon vv pays vv pharaon vv encrier

Quelques mots difficiles à lire, contenant la succession de 3, voire 4 sons vocaliques, existent dans la langue française ; facilalire les code pour faciliter leur déchiffrage :

vv v crayon vv ailleurs vv brouillon vv gruyère


vv aiguille vv cuiller

Consonnes

Les consonnes sont toujours en noir, en caractères gras par défaut.

Seules les consonnes sujettes à confusions ont un codage particulier.

Réduction de taille

les graphèmes consonnes à double valeur sont codés en maigre avec une réduction de la taille (c, g, s, t, x)

cerise vv bagage vv maison vv attention vv dix

L’italique

les graphèmes consonnes digraphes constitués de deux lettres différentes sont codés en italique (ch, gu , gn, ph, qu) afin d’aider le lecteur à différencier les lettres consonnes de l’alphabet latin des lettres qui sont des graphèmes à part entière

quelquun vv chemin vv vigne vv phare vv guitare

Lettres muettes

Les lettres muettes -qui ont une valeur orthographique lexicale ou grammaticale- sont codées en gris

vv puits vv poupée vv frères vv comptent vv port vv porc

Le gris code exclusivement les lettres toujours muettes.

Le gris ne code pas le e caduc.

En français, le e caduc est représenté par la lettre /e/ associée à une consonne.

Généralement placée en fin de mot, cette lettre est souvent muette à la prononciation.

Cependant cette lettre, qui forme de fait une syllabe avec la consonne qui la précède, est sonorisable (régionalisme, accent, poésie).


Nous considérons ici la lettre /e/ comme une voyelle à part entière (noyau de syllabe) et nous la codons comme telle, en couleur.

Facilalire donne à voir au lecteur la présence d’une syllabe écrite.

Il appartiendra à chaque lecteur d’ajuster sa lecture selon son choix.

claire vv fontaine vv parles vv ouvrent vv biberon vv fenêtre


Ponctuation

La ponctuation constitue un élément fondamental de l’écriture des textes, et donc de la lecture.

La ponctuation « parle » aux yeux.

Apprendre à repérer le bornage des phrases est une activité indispensable à la lecture.

La ponctuation est signalée en rouge pour être immédiatement repérée

Exemple :



Liaisons

Une marque signalant les liaisons obligatoires et/ou facultatives à l’oral peut être inscrite dans le texte.

Cette marque est facilement gérable par l’utilisateur qui peut l’indiquer à l’aide de la police spécifique facilecture 0ly.

2. Qu'est-ce que la méthode syllabique

La méthode syllabique, ou méthode synthétique ou alphabétique, est une méthode d'apprentissage de la lecture qui se base sur la genèse des sons de la langue parlée par assemblage de syllabes. Elle est souvent opposée à la méthode globale. Elle repose sur les propriétés phonétiques de notre alphabet et a comme base les lettres et les sons. Une fois que ceux-ci sont maîtrisés, l'enfant apprend à les composer en syllabes puis en mots. C’est le fameux « b.a.-ba » (où les lettres « b » et « a » donnent la syllabe « ba »).

La méthode Boscher (utilisée au début du XXe siècle et rééditée à 80 000 exemplaires par an de nos jours) est de type alphabétique. La méthode du Sablier, apparue au Canada dans les années 1970 est également de ce type, dans lequel on peut également classer Au fil des mots. Actuellement, il existe de nouvelles méthodes comme Les Syllamots ou Lire avec Léo et Léa. La Méthode Alpha et La planète des alphas ont pour but d'apprendre à l'enfant à associer les sons et les lettres d'une manière ludique sans passer par des textes écrits.


3. La mèthode lire en couleurs

Introduction :

La méthode Lire en couleur prévoit que l'apprentissage de la lecture débute dans des textes--chansons ou comptines--que l'enfant sait déjà par cœur ou presque.

La méthode syllabique, telle qu'elle est généralement pratiquée, veut que l'on parte de la valeur phonétique des caractères d'écritures (les lettres de l'alphabet) pour tenter de déchiffrer des mots-mystères, la tâche étant considérablement compliquée par le fait que, dans la plupart de ces mots, les caractères d'écriture n'auront pas la valeur phonétique attendue par l'élève.

La méthode Lire en couleur consiste au contraire à repérer dans le texte de la comptine ou de la chanson des mots déjà connus pour essayer de voir, à l'intérieur, comment s'opèrent les correspondances graphophonologiques.

L'élève découvre ainsi que les phonogrammes (c'est-à-dire les graphèmes qui notent les sons de la langue) ne correspondent pas toujours aux lettres de l'alphabet.

Le graphème est l’unité de l'écrit correspondant à l'unité orale qu'est le phonème1. Contrairement à l'unité "lettre", le graphème correspond ainsi mieux à la phonologie d'une langue.
Ceci est particulièrement visible dans le cas des graphèmes dits "complexes". Les graphèmes peuvent se distinguer en deux sous-types:

Graphème simple: graphème composé d'une lettre

Graphème complexe: graphème composé de 2 lettres

Car un phonogramme peut être composé d'une ou plusieurs lettres, et la même lettre n'a pas la même valeur phonétique selon le phonogramme (et donc le mot) à l'intérieur duquel elle se rencontre.

La méthode Lire en couleur consiste à partir de la réalité des correspondances graphophonologiques telles qu'elles s'opèrent à l'intérieur des mots, et à les observer un peu comme en sciences on observe un phénomène naturel.

L'utilisation des couleurs permet de distinguer les phonogrammes correspondant aux sons voyelles (en bleu), consonnes (en noir gras) et consonnes doubles c, g, s,t,x)(sont en diminution de taille ex: cerise vv bagage vv maison vv attention vv dix ),ainsi que les graphèmes de lettres muettes (en gris).

La ponctuation est réalisée en rouge pour être immédiatement vue.

Les liaisons sont effectuées avec la police spécifique Oly

En une séance, un élève de CP devient capable de reconnaître la plupart des voyelles d'une comptine ou d'un couplet de chanson.

Et, pour lui, dans la mesure où il n'est pas parti de la valeur phonétique des lettres isolées, qu'il ne s'appuie pas sur ce faux savoir sans cesse démenti, il n'y a aucune difficulté à admettre que le i, par exemple, n'a pas la même valeur dans les mots"dit", "lapin" et "roi".

Grâce aux couleurs qui les distinguent, il apprend à lire en partant des phonogrammes, en s'appuyant sur un eux comme sur les vrais premiers éléments de l'écriture des mots.

Apprendre à lire en français, ce n’est pas facile…

Pour savoir lire, un enfant doit maîtriser à terme la correspondance entre 36phonèmes (sons de la parole) et 130 graphèmes (lettre ou groupe de lettres transcrivant les sons) que l’on écrit avec 26 lettres.
C’est une tâche extrêmement complexe… source de difficultés pour bon nombre d’apprentis lecteurs.

4. Un exemple d'utilisation de la méthode syllabique : "Syllamots"

5. La rempailleuse par Guy de MAUPASSANT

Lit d'abord une première fois le texte


La rempailleuse par Guy de MAUPASSANT

à Léon Hennique

C'était la fin du dîner d'ouverture de chasse chez le marquis de Bertrans. Onze chasseurs, huit jeunes femmes et le médecin du pays étaient assis autour de la grande table illuminée, couverte de fruits et de fleurs.

On vint à parler d'amour, et une grande discussion s'éleva, l'éternelle discussion, pour savoir si on pouvait aimer vraiment une fois ou plusieurs fois. On cita des exemples de gens n'ayant jamais eu qu'un amour sérieux ; on cita aussi d'autres exemples de gens ayant aimé souvent, avec violence.

Les hommes, en général, prétendaient que la passion, comme les maladies, peut frapper plusieurs fois le même être, et le frapper à le tuer si quelque obstacle se dresse devant lui. Bien que cette manière de voir ne fût pas contestable, les femmes, dont l'opinion s'appuyait sur la poésie bien plus que sur l'observation, affirmaient que l'amour, l'amour vrai, le grand amour, ne pouvait tomber qu'une seule fois sur un mortel, qu'il était semblable à la foudre, cet amour, et qu'un coeur touché par lui demeurait ensuite tellement vidé, ravagé, incendié, qu'aucun autre sentiment puissant, même aucun rêve, n'y pouvait germer de nouveau.

Le marquis, ayant aimé beaucoup, combattait vivement cette croyance :

- Je vous dis, moi, qu'on peut aimer plusieurs fois avec toutes ses forces et toute son âme. Vous me citez des gens qui se sont tués par amour, comme preuve de l'impossibilité d'une seconde passion.

Je vous répondrai que, s'ils n'avaient pas commis cette bêtise de se suicider, ce qui leur enlevait toute chance de rechute, ils se seraient guéris ; et ils auraient recommencé, et toujours, jusqu'à leur mort naturelle. Il en est des amoureux comme des ivrognes. Qui a bu boira - qui a aimé aimera. C'est une affaire de tempérament, cela.

On prit pour arbritre le docteur, vieux médecin parisien retiré aux champs, et on le pria de donner son avis.

Justement il n'en avait pas :

- Comme l'a dit le marquis, c'est une affaire de tempérament ; quant à moi, j'ai eu connaissance d'une passion qui dura cinquante-cinq ans sans un jour de répit, et qui ne se termina que par la mort.

La marquise battit des mains.

- Est-ce beau cela ! Et quel rêve d'être aimé ainsi ! Quel bonheur de vivre cinquante-cinq ans tout enveloppé de cette affection acharnée et pénétrante ! Comme il a dû être heureux et bénir la vie celui qu'on adora de la sorte !

Le médecin sourit :

- En effet, Madame, vous ne vous trompez pas sur ce ce point, que l'être aimé fut un homme. Vous le connaissez, c'est M. Chouquet, le pharmacien du bourg. Quant à elle, la femme, vous l'avez connue aussi, c'est la vieille rempailleuse de chaises qui venait tous les ans au château. Mais je vais me faire mieux comprendre.

L'enthousiasme des femmes était tombé ; et leur visage dégoûté disait : "Pouah !", comme si l'amour n'eût dû frapper que des êtres fins et distingués, seuls dignes de l'intérêt des gens comme il faut.

Le médecin reprit :

- J'ai été appelé, il y a trois mois, auprès de cette vieille femme, à son lit de mort. Elle était arrivée, la veille, dans la voiture qui lui servait de maison, traînée par la rosse que vous avez vue, et accompagnée de ses deux grands chiens noirs, ses amis et ses gardiens. Le curé était déjà là. Elle nous fit ses exécuteurs testamentaires, et, pour nous dévoiler le sens de ses volontés dernières, elle nous raconta toute sa vie. Je ne sais rien de plus singulier et de plus poignant.

Son père était rempailleur et sa mère rempailleuse. Elle n'a jamais eu de logis planté en terre.

Toute petite, elle errait, haillonneuse, vermineuse, sordide. On s'arrêtait à l'entrée des villages, le long des fossés ; on dételait la voiture ; le cheval broutait ; le chien dormait, le museau sur ses pattes ; et la petite se roulait dans l'herbe pendant que le père et la mère rafistolaient, à l'ombre des ormes du chemin, tous les vieux sièges de la commune.

On ne parlait guère dans cette demeure ambulante. Après les quelques mots nécessaires pour décider qui ferait le tour des maisons en poussant le cri bien connu : "Remmmpailleur de chaises !", on se mettait à tortiller la paille, face à face ou côte à côte.

Quand l'enfant allait trop loin ou tentait d'entrer en relations avec quelque galopin du village, la voix colère du père la rappelait : "Veux-tu bien revenir ici, crapule !". C'étaient les seuls mots de tendresse qu'elle entendait.

Quand elle devint plus grande, on l'envoya faire la récolte des fonds de sièges avariés. Alors elle ébaucha quelques connaissances de place en place avec les gamins ; mais c'étaient, cette fois, les parents de ses nouveaux amis qui rappelaient brutalement leurs enfants : "Veux-tu bien venir ici, polisson ! Que je te voie causer avec les va-nu-pieds !...".

Souvent les petits gars lui jetaient des pierres.

Des dames lui ayant donné quelques sous, elle les garda soigneusement.

Un jour - elle avait alors onze ans - comme elle passait par ce pays, elle rencontra derrière le cimetière le petit Chouquet qui pleurait parce qu'un camarade lui avait volé deux liards.

Ces larmes d'un petit bourgeois, d'un de ces petits qu'elle s'imaginait dans sa frêle caboche de déshéritée, être toujours contents et joyeux, la bouleversèrent.

Elle s'approcha, et, quand elle connut la raison de sa peine, elle versa entre ses mains toutes ses économies, sept sous, qu'il prit naturellement, en essuyant ses larmes.

Alors, folle de joie, elle eut l'audace de l'embrasser. Comme il considérait attentivement sa monnaie, il se laissa faire. Ne se voyant ni repoussée, ni battue, elle recommença ; elle l'embrassa à pleins bras, à plein coeur. Puis elle se sauva.

Que se passa-t-il dans cette misérable tête ? S'est-elle attachée à ce mioche parce qu'elle lui avait sacrifié sa fortune de vagabonde, ou parce qu'elle lui avait donné son premier baiser tendre ? Le mystère est le même pour les petits que pour les grands.

Pendant des mois, elle rêva de ce coin de cimetière et de ce gamin. Dans l'espérance de le revoir, elle vola ses parents, grappillant un sou par-ci, un sou par-là, sur un rempaillage, ou sur les provisions qu'elle allait acheter.

Quand elle revint, elle avait deux francs dans sa poche, mais elle ne put qu'apercevoir le petit pharmacien, bien propre, derrière les carreaux de la boutique paternelle, entre un bocal rouge et un ténia.

Elle ne l'en aima que davantage, séduite, émue, extasiée par cette gloire de l'eau colorée, cette apothéose des cristaux luisants.

Elle garda en elle son souvenir ineffaçable, et, quand elle le rencontra, l'an suivant, derrière l'école, jouant aux billes avec ses camarades, elle se jeta sur lui, le saisit dans ses bras, et le baisa avec tant de violence qu'il se mit à hurler de peur. Alors, pour l'apaiser, elle lui donna son argent : trois francs vingt, un vrai trésor, qu'il regardait avec des yeux agrandis.

Il le prit et se laissa caresser tant qu'elle voulut.

Pendant quatre ans encore, elle versa entre ses mains toutes ses réserves, qu'il empochait avec conscience en échange de baisers consentis. Ce fut une fois trente sous, une fois deux francs, une fois douze sous (elle en pleura de peine et d'humiliation, mais l'année avait été mauvaise) et la dernière fois, cinq francs, une grosse pièce ronde, qui le fit rire d'un rire content.

Elle ne pensait plus qu'à lui ; et il attendait son retour avec une certaine impatience, courait au-devant d'elle en la voyant, ce qui faisait bondir le coeur de la fillette.

Puis il disparut. On l'avait mis au collège. Elle le sut en interrogeant habilement. Alors elle usa d'une diplomatie infinie pour changer l'itinéraire de ses parents et les faire passer par ici au moment des vacances. Elle y réussit, mais après un an de ruses. Elle était donc restée deux ans sans le revoir ; et elle le reconnut à peine, tant il était changé, grandi, embelli, imposant dans sa tunique à boutons d'orr. Il feignit de ne pas la voir et passa fièrement près d'elle.

Elle en pleura pendant deux jours ; et depuis lors elle souffrit sans fin.

Tous les ans elle revenait ; passait devant lui sans oser le saluer et sans qu'il daignât même tourner les yeux vers elle. Elle l'aimait éperdument.

Elle me dit : "C'est le seul homme que j'aie vu sur la terre, monsieur le médecin ; je ne sais pas si les autres existaient seulement". Ses parents moururent. Elle continua leur métier, mais elle prit deux chiens au lieu d'un, deux terribles chiens qu'on n'aurait pas osé braver.

Un jour, en revenant dans ce village où son coeur était resté, elle aperçut une jeune femme qui sortait de la boutique Chouquet au bras de son bien-aimé. C'était sa femme. Il était marié.

Le soir même, elle se jeta dans la mare qui est sur la place de la Mairie. Un ivrogne attardé la repêcha, et la porta à la pharmacie. Le fils Chouquet descendit en robe de chambre, pour la soigner, et, sans paraître la reconnaître, la déshabilla, la frictionna, puis il lui dit d'une voix dure : "Mais vous êtes folle ! Il ne faut pas être bête comme ça !".

Cela suffit pour la guérir. Il lui avait parlé ! Elle était heureuse pour longtemps.

Il ne voulut rien recevoir en rémunération de ses soins, bien qu'elle insistât vivement pour le payer.

Et toute sa vie s'écoula ainsi. Elle rempaillait en songeant à Chouquet. Tous les ans, elle l'apercevait derrière ses vitraux. Elle prit l'habitude d'acheter chez lui des provisions de menus médicaments. De la sorte elle le voyait de près, et lui parlait, et lui donnait encore de l'argent.

Comme je vous l'ai dit en commençant, elle est morte ce printemps. Après m'avoir raconté toute cette triste histoire, elle me pria de remettre à celui qu'elle avait si patiemment aimé toutes les économies de son existence, car elle n'avait travaillé que pour lui, disait-elle, jeûnant même pour mettre de côté, et être sûre qu'il penserait à elle, au moins une fois, quand elle serait morte.

Elle me donna donc deux mille trois cent vingt-sept francs. Je laissai à M. le curé les vingt-sept francs pour l'enterrement, et j'emportai le reste quand elle eut rendu le dernier soupir.

Le lendemain, je me rendis chez les Chouquet. Ils achevaient de déjeuner, en face l'un de l'autre, gros et rouges, fleurant les produits pharmaceutiques, importants et satisfaits.

On me fit asseoir ; on m'offrit un kirsch, que j'acceptai ; et je commençai mon discours d'une voix émue, persuadé qu'ils allaient pleurer.

Dès qu'il eut compris qu'il avait été aimé de cette vagabonde, de cette rempailleuse, de cette rouleuse, Chouquet bondit d'indignation, comme si elle avait volé sa réputation, l'estime des honnêtes gens, son honneur intime, quelque chose de délicat qui lui était plus cher que la vie.

Sa femme, aussi exaspérée que lui, répétait : "Cette gueuse ! cette gueuse ! cette gueuse!...". Sans pouvoir trouver autre chose.

Il s'était levé ; il marchait à grands pas derrière la table, le bonnet grec chaviré sur une oreille. Il balbutiait : "Comprend-on ça, docteur ? Voilà de ces choses horribles pour un homme ! Que faire, Oh ! si je l'avais su de son vivant, je l'aurais fait arrêter par la gendarmerie et flanquer en prison. Et elle n'en serait pas sortie, je vous en réponds !".

Je demeurais stupéfait du résultat de ma démarche pieuse. Je ne savais que dire ni que faire. Mais j'avais à compléter ma mission. Je repris : "Elle m'a chargé de vous remettre ses économies, qui montent à deux mille trois cent francs. Comme ce que je viens de vous apprendre semble vous être fort désagréable, le mieux serait peût-tre de donner cet argent aux pauvres".

Ils me regardaient, l'homme et la femme, perclus de saisissement.

Je tirai l'argent de ma poche, du misérable argent de tous pays et de toutes les marquess, de l'or et de sous mêlés. Puis je demandai : "Que décidez-vous ?".

Madame Chouquet parla la première : "Mais puisque c'était sa dernière volonté, à cette femme... il me semble qu'il nous est bien difficile de refuser".

Le mari, vaguement confus, reprit : "Nous pourrions toujours acheter avec ça quelque chose pour nos enfants".

Je dis d'un air sec : "Comme vous voudrez".

Il reprit : "Donnez toujours, puisqu'elle vous en a chargé ; nous trouverons bien moyens de l'employer à quelque bonne oeuvre".

Je remis l'argent, je saluai, et je partis.

Le lendemain Chouquet vient me trouver et, brusquement :

- "Mais elle a laissé ici sa voiture, cette... cette femme. Qu'est-ce que vous en faites, de cette voiture ?

- Rien, prenez-là si vous voulez.

- Parfait ; cela me va ; j'en ferai une cabane pour mon potager.

Il s'en allait. Je le rappelai. "Elle a laissé aussi son vieux cheval et ses deux chiens. Les voulez-vous ?". Il s'arrêta, surpris : "Ah ! non, par exemple ; que voulez-vous que j'en fasse ? Disposez-en comme vous voudrez". Et il riait. Puis il me tendit sa main que je serrai. Que voulez-vous ? Il ne faut pas, dans un pays, que le médecin et le pharmacien soient ennemis. J'ai gardé les chiens chez moi. Le curé, qui a une grande cour, a pris le cheval. La voiture sert de cabane à Chouquet ; et il a acheté cinq obligations de chemin de fer avec l'argent.

Voilà le seul amour profond que j'aie rencontré, dans ma vie".

Le médecin se tut.

Alors la marquise, qui avait des larmes dans les yeux, soupira :

- "Décidément, il n'y a que les femmes pour savoir aimer !".

6. La rempailleuse de Guy de Maupassant

Ecoute le texte
Et lit tout le texte suivant en même temps pour te familiariser et t'approprier le texte. Guy de Maupassant - La Rempailleuse by bruno tison

7. Exercices à réaliser : "La rempailleuse de Guy de Maupassant"

8. L'Ebook sur la remapailleuse de Guy de Maupassant

9. Évaluation de la semaine

Évaluation de la semaine